Mercredi 1er juin... un matin comme les autres, tranquille, passé à jouer avec ma fille. Jusqu'à ce silence de mort qui s'insinue... panne électrique dans le quartier... brisé par une sirène de pompiers. Je passe la tête par la fenêtre du salon, des gens en pleurs qui serrent en tremblant les quelques maigres affaires qu'ils ont pu sauver... car en me penchant un peu plus, je vois de l'eau au bout de la rue.
La voisine d'en face est bouleversée: "ça continue à monter, on va y avoir droit". Tout se bouscule dans ma tête... mais non, c'est pas possible, le fond du jardin est en limite de zone inondable, et en prenant en compte la crue de 1910. Non, pas possible. Alors, la vie continue... je donne à manger à la petite, nous lisons quelques livres, je la couche pour sa sieste. Je m'inquiète pour mon amoureux. Il est sur le chemin du retour. On frappe aux carreaux, c'est le voisin, "il faut évacuer, madame... l'eau continue à monter, on peut vous prendre des affaires, si vous voulez" "merci, mais ça va aller, mon mari arrive bientôt!" Je monte à l'étage, saisis un sac et le remplis sans même réfléchir... une demi-heure plus tard, ma fille sous le bras, je quittais la maison.
Le lendemain, stupéfaction... et la triste réalisation que plus rien ne sera comme avant.
Depuis, l'eau s'est retiré. La vie reprend - difficilement - son cours. Entre les rues jonchées des souvenirs détruits de ces centaines et centaines de sinistrés, les conversations sur les mésaventures des uns et des autres, les démarches à effectuer pour espérer être un tant soit peu remboursé par les assurances, il est difficile de reprendre confiance en l'avenir. Nous n'irons plus dans cette petite superette où nous aimions tant aller, elle ne réouvrira certainement pas et ce charmant bouquiniste où nous flânions quelquefois a déjà annoncé sa fermeture définitive. Oui, c'est vrai, rien ne sera plus jamais comme avant.